TARGET2 – Le compte à rebours a commencé

En octobre 2022, la BCE a annoncé que la consolidation T2/T2S serait reportée de quatre mois, soit au 20 mars 2023. Ce n’était pas vraiment une surprise pour les institutions financières, car les semaines précédentes avaient clairement montré que la nouvelle plateforme n’était pas encore capable de répondre aux attentes. Le mécontentement des institutions financières n’a cessé de croître. Ceci ne s’est pas seulement fait sentir sur le marché allemand, mais également au niveau européen. Il n’était donc pas surprenant qu’outre l’Allemagne, un autre acteur important dans le secteur du traitement des paiements TARGET2, la Banque nationale de France, ait indiqué un indicateur d’état rouge lors de la consultation quant au Readiness Report.

Les signaux provenant des autres pays européens n’étaient pas meilleurs. Certaines banques centrales ont annoncé un état « vert », mais elles relevaient de l’exception. Depuis le mois de juin, les messages de statut indiquaient que la mise en service prévue pour novembre était perçue de manière de plus en plus critique. Les principaux points critiqués étaient l’instabilité de la plateforme de test durant des mois, le nombre incontrôlable d’erreurs et de défauts ainsi que la création très chronophage de données de base dans le Common Reference Data Management (CRDM). Ce sont surtout les grandes institutions financières, agissant en tant que co-gestionnaires pour leurs participants indirects, qui ont dû faire face à une charge de travail considérable. L’instabilité de la plateforme de test n’a pas facilité la situation et a engendré des efforts inutiles. Un autre point était l’installation de Go-Sign dans l’infrastructure technique des institutions financières, qui est indispensable pour la procédure de validation et qui garantit l’accès aux nouvelles infrastructures des différents services T2. Cela a également entraîné davantage de travail imprévu du côté des institutions financières, en particulier dans le cadre d’environnements de travail distribués (qui sont devenus plus courants à cause du Coronavirus). Jusqu’à la fin de l’année 2022, certaines institutions financières luttaient encore contre ce problème et n’avaient toujours pas pu installer et activer Go-Sign. Un grand nombre d’entre elles ont pu profiter du temps gagné pour achever définitivement ces activités.

Mais que signifie ce report pour les institutions financières et pour la BCE ? La réponse à cette question est ambigüe. Les réactions sur le marché ont été diverses. Les grandes institutions financières auraient aimé que la mise en service se passe comme prévu, même en tenant compte du fait qu’il y aurait probablement eu beaucoup de complications. Mais elles étaient prêtes à les accepter. Pour d’autres institutions financières, une mise en service aurait plutôt abouti à une catastrophe, car il était prévisible que les activités nécessaires ne pourraient pas être terminées avant la mise en service. En fin de compte, ce sont toutefois les doutes sur la stabilité de l’Eurosystème qui ont motivé le report. Impossible d’imaginer ce qui serait passé si, par exemple, les paiements SEPA n’avaient plus pu être traités parce que les institutions financières n’avaient pas été en mesure de fournir des liquidités en temps voulu.

La BCE a travaillé d’arrache-pied pour améliorer les points critiques relevés par les institutions financières et pour remédier aux défauts critiques au moyen de hotfixes. Mais cela signifie pour les institutions financières qu’il faut continuer les tests. Même les institutions financières qui avaient déjà terminé avec succès les activités de test obligatoires ne pouvaient se reposer et attendre, elles ont continué à recetter dans leur propre intérêt. Il s’est malheureusement avéré qu’avec la livraison des défauts corrigés dans la nouvelle version, de nouvelles erreurs se sont toutefois glissées.

Il est néanmoins clair que toutes les erreurs et tous les défauts ne seront pas rectifiés avant la mise en service. Les institutions financières doivent donc absolument se préparer à ce que tout ne fonctionne pas de manière fluide dès le début et à travailler avec des solutions alternatives. Mais quelles sont les erreurs qui ont été corrigées et celles qui ne l’ont pas été ? À quelles solutions de remplacement faut-il se préparer ? Les institutions financières espèrent que la BCE leur fournira à temps des réponses à ce sujet. Car cela a été un autre point en cause de ces derniers mois : le manque de communication et de transparence.

L’épée de Damoclès qui planait sur tout était la décision d’aller ou non de l’avant prise le 22 février 2023. Même si les signes avaient été en faveur d’un feu vert, il n’y avait pas encore de certitude qu’un nouveau report n’aurait pas été nécessaire Étant donné que SWIFT avait déjà clairement communiqué auparavant sa volonté de ne pas reporter encore une fois sa propre migration, la situation aurait été la suivante : d’une part, SWIFT aurait déjà migré vers ISO 20022, mais TARGET2 aurait dû continuer à être livré avec des message MT. Ce fonctionnement mixte aurait causé de sérieux problèmes à de nombreuses institutions financières, notamment à celles qui transmettent des paiements en tant « qu’intermédiaires », car beaucoup de mises en œuvre reposaient implicitement sur une transition simultanée, et une séparation n’aurait été possible qu’avec de nouveaux efforts.

Du côté de SWIFT, on a travaillé intensivement ces derniers mois sur le traitement des données tronquées, Data Truncation ou troncature des données. SWIFT a certes élaboré des recommandations et des règles, mais les institutions financières pouvaient tout de même faire sans. Le département de la Conformité d’une institution financière peut avoir des sueurs froides à l’idée de données tronquées ou même effacées dans une transaction de paiement. Dans cette période où la réglementation a de plus en plus d’influence et d’impact sur les institutions financières, ce scénario est impensable. Mais malheureusement, la réalité prouve que c’est exactement ce qui peut arriver, surtout dans la phase initiale pendant laquelle tous les participants doivent s’habituer à la nouvelle situation.

En conclusion, la consolidation T2/T2S s’est avérée aussi complexe que ce que l’on craignait au départ. Le nombre d’institutions financières devant effectuer la transition est énorme et l’Eurosystème, le domaine le plus sensible, est concerné. Cependant il y a des raisons d’envisager la date de transition avec optimisme. Les derniers mois ont redonné confiance aux institutions financières, car les mesures prises par la BCE ont renforcé leur optimisme. Il faut également prendre en compte le fait que les activités ne se termineront pas avec la mise en service, mais que les institutions financières devront immédiatement les poursuivre, puisque la prochaine version de l’Eurosystème est déjà annoncée pour le mois de juin. Pas de répit alors pour les institutions financières, la pression reste forte et les prochains problèmes se profilent déjà à l’horizon.

Sabine Aigner
Thomas Ambühler

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